Le procès de Jésus de Nazareth est sans doute un des plus importants procès de l’Histoire au regard de la postérité et de l’influence qu’il eut par la suite. Il se déroule dans le contexte de la Judée romaine. C’est en 63 avant J. C que Rome intervient dans la région afin d’y remettre de l’ordre suite à la guerre civile entre les princes juifs Hyrcan et Aristobule. Pompée arrive en Judée dans le cadre de sa vaste campagne en Orient et entre à Jérusalem. Dans un premier temps, Rome confie à des rois-clients le soin d’assurer un ordre favorable à la puissance romaine. Le plus connu de ces souverains est Hérode le Grand qui règne de 37 à 4 avant J. C. En 6 après J. C., l’empereur Auguste décide de déposer Archélaos, fils d’Hérode, incapable d’assurer l’ordre, et de transformer la Judée en province romaine dirigée par un préfet qui réside à Césarée Maritime.

Au moment du procès, Ponce Pilate, bien attesté par les textes des Evangiles, les récits de l’historien juif Flavius Josèphe et par une inscription découverte en 1961, est préfet. Nommé en 26, il reste dix ans en poste. Il convient de ne pas le cantonner à ce rôle d’hésitant que l’on perçoit dans les récits évangéliques. Dans ses Antiquités judaïques, Flavius Josèphe nous le montre ne reculant pas devant une féroce répression s’il la juge utile. Ainsi lors de troubles fomentés par des Samaritains : « Les Samaritains ne manquèrent pas non plus de troubles, car ils étaient excités par un homme qui ne considérait pas comme grave de mentir et qui combinait tout pour plaire au peuple. II leur ordonna de monter avec lui sur le mont Garizim, qu’ils jugent la plus sainte des montagnes, leur assurant avec force qu’une fois parvenus là il leur montrerait des vases sacrés enfouis par Moïse, qui les y avait mis en dépôt. Eux, croyant ses paroles véridiques, prirent les armes, et, s’étant installés dans un village nommé Tirathana, s’adjoignirent tous les gens qu’ils purent encore ramasser, de telle sorte qu’ils firent en foule l’ascension de la montagne. Mais Pilate se hâta d’occuper d’avance la route où ils devaient monter en y envoyant des cavaliers et des fantassins, et ceux-ci, fondant, sur les gens qui s’étaient rassemblés dans le village, tuèrent les uns dans la mêlée, mirent les autres en fuite et en emmenèrent en captivité beaucoup, dont les principaux furent mis à mort par Pilate, ainsi que les plus influents d’entre les fuyards. »

Les autres grandes institutions mises en valeur par le procès sont le Grand Prêtre du Temple de Jérusalem et le Sanhédrin. Le Grand Prêtre est le chef religieux du judaïsme à Jérusalem. Il est celui qui entre une fois l’an dans le Saint des Saints au moment du Grand Pardon (Yom Kippour) demandé par les Juifs à Dieu pour les fautes du peuple. Depuis que Rome administre la Judée, le Grand Prêtre est nommé par l’autorité romaine. Caïphe est Grand Prêtre de 18 à 36, longévité qui tend à démontrer sa proximité avec le pouvoir. Le Grand Prêtre est assisté dans sa tâche par le Sanhédrin, assemblée composée de 75 membres, issus des grandes familles hiérosolymites.

Reste la figure de l’accusé. Comment peut apparaître Jésus de Nazareth pour ses contemporains ? Né sans doute 4 avant J. C (le moine Denys le Petit qui, au début des années 530, a calculé le calendrier chrétien, s’est trompé de quelques années), Jésus de Nazareth a commencé sa prédication en 27-28. S’il a pu apparaître comme disciple de Jean Baptiste par le baptême de purification reçu dans le Jourdain, il se détache assez vite de la figure du Baptiste. Il est surtout considéré comme un rabbi (maître), un thaumaturge qui soulage les maux physique et moraux. Mais le débat capital porte sur la messianité de Jésus. Le monde juif connait deux types de messianisme. Tout d’abord, le messianisme royal, c’est-à-dire politique, qui proteste contre la politique d’Hérode le Grand, puis de son fils Archélaos, enfin contre la présence romaine en Judée. Il s’agit de rétablir la royauté d’Israël. Ensuite, le messianisme prophétique annoncé dans le Deutéronome qui pressent une venue divine. Or, le fait que Jésus de Nazareth puisse apparaître comme le Messie, le Christ, est inacceptable pour les autorités religieuses du Temple. Ayant procédé à l’arrestation, le Grand Prêtre convoque le Sanhédrin immédiatement après ce que permet un quota de 23 membres qui est suffisant pour tenir conseil. Débute alors une procédure judiciaire que l’on peut qualifier d’exception et au cours de laquelle prime la rapidité puisque tout se joue en quelques heures, les autorités religieuses juives tant probablement pressées d’en finir avant la fête de la Pâque. Reconnu comme blasphémateur dans la mesure où il ne nie pas l’accusation d’être le Fils de Dieu, le Sanhédrin souhaite cependant impliquer le pouvoir romain en le faisant condamner à mort sous l’accusation de crime de lèse-majesté contre le pouvoir impérial. Vis-à-vis d’un tel chef d’inculpation, seul le préfet romain a la prérogative de condamner à mort (cognitio extra ordinem). Aussi faut-il passer par Ponce Pilate, présent à Jérusalem pour la Pâques juive. L’accusation de blasphème ne pèse guère dans l’esprit du préfet, peu au fait des subtilités religieuses juives. C’est donc sur l’angle politique que porte l’accusation des autorités juives. Une partie du peuple le prendrait pour le roi des Juifs ce qui en fait un rebelle vis-à-vis de l’empereur Tibère. C’est à ce titre que Ponce Pilate le condamne finalement au supplice de la croix, probablement le 7 avril 30, date admise par la majorité des exégètes sans toutefois faire l’unanimité. Sur le titulus, panneau de bois placé au-dessus du condamné, est indiquée la cause de celle-ci : « Roi des Juifs ». L’affaire est donc close. Trois jours plus tard, des témoins affirment que Jésus est ressuscité et les Evangiles le rapportent. L’Histoire laisse alors la place à la Foi.