L’ampleur de la violence et des crimes commis durant la Seconde Guerre mondiale amena les puissances alliées à envisager, avant même la fin du conflit, un procès chargé de juger les responsables nazis. Déjà la conférence de Londres du 13 janvier 1941 indique dans sa déclaration finale : « Parmi les buts de guerre essentiels des Alliés figure la punition des responsables de ces crimes, qu’ils les aient ordonnés, commis eux-mêmes ou qu’ils y aient participé. » Cette déclaration est reprise lors de la conférence du palais de Saint James en janvier 1942. Une commission interalliée des crimes de guerre est créée en octobre 1942. La conférence de Moscou du 30 octobre 1943 annonce la création d’un tribunal spécial afin de juger les grands responsables nazis. Cette décision est renouvelée lors des conférences de Yalta (4-11 février 1945) et de Potsdam (17 juillet-2 août 1945).

Le 8 août 1945 est adopté le statut du Tribunal international qui retient quatre chefs d’accusation : la conjuration (les accusés ont collaboré et poursuivi en commun un plan tendant à la conquête du pouvoir absolu et universel), les crimes contre la paix (les accusés ont violé 34 traités internationaux, entrepris des guerres d’agressions et déchainé un conflit mondial), les crimes de guerre (les accusés ont ordonné ou toléré des assassinats collectifs, des tortures, déporté des millions de personnes, organisé le pillage économique), les crimes contre l’humanité (les accusés ont persécuté de nombreuses minorités et exterminés des collectivités entières).

Le procès compte cinq absents importants : Hitler lui-même, le Führer s’étant suicidé dans son Bunker berlinois le 30 avril 1945 ; Joseph Goebbels, ministre de la Propagande de 1933 à 1945, qui se donne la mort le 1er mai en compagnie de son épouse et après avoir tué leurs six enfants ; Heinrich Himmler, chef de la SS et ministre de l’Intérieur de 1943 à 1945, qui avale une capsule de cyanure alors qu’il est prisonnier des Britanniques ; Martin Bormann, chef de la Chancellerie du parti, un des hommes forts de l’Allemagne nazie à partir de 1942, longtemps donné pour disparu et dont retrouva les restes mortels à Berlin en 1972 ; Robert Ley, chef du Front Allemand du Travail, qui parvient à mettre fin à ces jours dans sa cellule le 25 octobre 1945.

Il n’en reste pas moins que de grandes figures du pouvoir nazi sont dans le box des accusés au moment où débute le procès le 20 novembre 1945 : Hermann Goering, maréchal et chef de la Luftwaffe ; Rudolf Hess, n° 2 du Parti nazi jusqu’à son départ pour la Grande-Bretagne, en mai 1941, lors d’une tentative rocambolesque de parvenir à la paix avec les Britanniques ; Alfred Rosenberg, idéologue du Parti nazi et ministre des Territoires de l’Est en octobre 1941 ; Wilhelm Frick, ministre de l’Intérieur de 1933 à 1943, puis Protecteur de Bohême-Moravie ; Arthur Seyss-Inquart, Statthalter d’Autriche, puis Commissaire du Reich aux Pays-Bas ; Hans Frank, gouverneur général de Pologne ; Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes ; Fritz Sauckel, commissaire général à la main d’œuvre ; Julius Streicher, un des responsables de la propagande antisémite ; Franz von Papen, vice-chancelier en 1933-1934, puis ambassadeur à Vienne et à Ankara ; Constantin von Neurath, ministre des Affaires étrangères de 1932 à 1938, protecteur de Bohême-Moravie de 1939 à 1943 ; Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères de 1938 à 1945 ; le maréchal Wilhelm Keitel, chef de l’OKW (haut commandement des forces armées) de 1938 à 1945 ; le général Alfred Jodl, chef des opérations militaires de l’OKW de 1938 à 1945 ; l’amiral Eric Raeder, chef de la Kriegsmarine de 1933 à 1943 ; l’amiral Karl Dönitz, chef de la flotte sous-marine et de la Kriegsmarine de 1943 à 1945 ; Albert Speer, architecte d’Hitler et ministre de l’armement de 1942 à 1945 ; Ernst Kaltenbrunner, chef de la Police de sécurité ; Hjalmar Schacht, ministre de l’Economie de 1934 à 1937, président de la Reichsbank de 1933 à 1939 ; Walter Funk, ministre de l’Economie de 1937 à 1945, de la Reichsbank de 1939 à 1945 ; Hans Fritzsche, directeur de la radio au ministère de la Propagande. Tous les accusés sont secondés par des avocats allemands

Les quatre puissances alliées sont représentées au sein de la Cour : les Britanniques Geoffrey Lawrence, président du Tribunal qui donna une dignité toute britannique aux longs débats du procès, et Normann Birkett, les Français Henri Donnedieu de Vabres et Robert Falco, les Américains Francis Biddel et John Parker, les Soviétiques Iona Nikitchenko et Andrei Volchov. La documentation est impressionnante avec 16 000 pages de comptes-rendus et de documents, 300 000 déclarations, 240 dépositions dont celle du maréchal Paulus, vaincu de Stalingrad, et celle Severina Schmaglewskaya, rescapée de Treblinka. Un grand moment d’émotion eut lieu lors de la projection de films documentaires pris pendant l’occupation allemande et à la suite de la libération des camps.

La procédure suit le modèle anglo-saxon. L’acte d’accusation est lu dans son intégralité. Chaque accusé doit ensuite déclarer s’il plaide coupable ou non-coupable. Puis l’accusation expose son point de vue. Le tribunal demande alors à l’accusation et à la défense quels sont leurs moyens de preuve. Les témoins de l’accusation sont interrogés, puis ceux de la défense, juges, procureurs et avocats pouvant interroger librement témoins et accusés. Après les réquisitoires et les plaidoiries, les accusés peuvent faire une déclaration, avant que le tribunal ne se retire pour délibérer, prononcer le jugement et statuer sur la culpabilité et la peine de chaque accusé. Douze accusés sont condamnés à mort par pendaison dont Goering qui parvient à se suicider la veille de l’exécution, les militaire Keitel et Jodl, Ribbentrop, Frank, Frick, Kaltenbrunner, Sauckel, Rosenberg, Streicher, Seyss-Inquart. Les exécutions des condamnés à mort eurent lieu de 1 h 01 à 2 h 42, le 16 octobre 1946. Il y eut trois acquittements (Schacht, Papen et Fritsch). Les autres condamnés eurent à purger des peines de prison allant de la perpétuité (Hess, Funk libéré en 1957, Raeder libéré en 1955) à 20 ans (Speer, Schirach), 15 ans (Neurath) ou 10 ans (Dönitz) de réclusion.