« Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, repris dans le préambule de notre Constitution et réaffirmé dans le Code de Procédure Pénale par la loi GUIGOU en 2000.

A bien y réfléchir, Monsieur de LA PALICE n’aurait pas mieux dit.

Pourquoi ne pas déclamer que tout homme est présumé bien portant jusqu’à ce qu’il soit considéré malade… ?

Pourtant, cette évidence est totalement foulée au pied par notre société sur-médiatisée.

La rumeur publique, dont la presse et les médias se font l’écho sans retenue aucune, fait des ravages, clouant au pilori la moindre célébrité à la première occasion.

Avec, qui plus est, une bonne conscience décomplexée puisque tout un chacun rappelle à qui mieux mieux le sacrosaint principe de la présomption d’innocence dont jouit celui que l’on peut alors accabler d’autant plus volontiers.

Il en résulte que d’une « Lapalissade », la présomption d’innocence s’est transformée en une imposture.

Notre législateur, zélé et toujours inspiré, y a fortement participé en s’attachant, comme à son habitude, à rendre inintelligible les quelques notions juridiques qui pouvaient rester à peu prés claires dans l’esprit de tous.

Ainsi eût -il la lumineuse idée de substituer au terme d’inculpation celui de « mise en examen » pour renforcer prétendument la présomption d’innocence.

Avant, l’inculpation était l’acte juridique et judiciaire par lequel on reprochait une faute pénale ( donc une infraction) à un individu dont on avait de sérieuses raisons de penser qu’il pouvait en être l’auteur.

Il devenait suspect et donc présumé coupable !

Le politiquement correct s’en est ému et décida courageusement que le suspect ne serait qu’un « mis en examen » et deviendrait présumé innocent …Bravo ! Ce tour de passe passe terminologique ne change rigoureusement rien en fait mais crée un superbe contre sens et une totale confusion…il conduit au paradoxe suivant : seuls, en définitive, les présumés coupables peuvent revendiquer la présomption d’innocence ; les autres n’ayant aucune raison de le faire.

A force de refuser d’appeler un chat un chat on y perd son latin. Car les mots ont un sens : une présomption de culpabilité c’est à dire l’inculpation du mot latin culpa qui signifie faute, ne signifie pas être coupable. Le suspect, présumé coupable est, en réalité innocent, jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement par un tribunal.

Il ne sert à rien de changer les mots. Il importe en revanche de respecter les droits du suspect.

Sa meilleure garantie tient tout simplement, non pas dans la fausse présomption d’innocence dont on nous rebat les oreilles, mais dans le secret de l’instruction prévu par notre procédure pénale.

Comment être présumé coupable aux yeux de tous si personne ne sait que vous êtes sous le coup d’une quelconque procédure ?

C’est là que réside la plus sûre des garanties de l’état d’innocence qui doit exister avant tout procès.

Qui sait, en outre, que la mise en examen est également et surtout une garantie pour le suspect ou présumé coupable ou innocent peu importe ?

C’est à partir de cet acte qu’enfin, l’intéressé pourra savoir qui l’accuse, de quoi on l’accuse, et sous quelle qualification juridique, bref quelle est donc l’infraction qu’il est suspecté avoir commise … ce n’est pas rien.

Il pourra alors faire valoir au juge, instruisant l’affaire, des éléments à décharge et une autre vision des faits ; lequel juge peut parfois être amené à rendre une ordonnance de non-lieu c’est à dire à ne même pas poursuivre devant le tribunal le mis en examen. D’où l’intérêt de garder secret tous les aspects d’une procédure qui peut ne déboucher sur rien.

Les textes existent il suffit de les appliquer ; il est particulièrement inutile d’en modifier les termes pour donner l’illusion de l’action. C’est le monde de la communication.

C’est imbécile, mais aussi dangereux et dévastateur.

Comment ne pas penser à la pitoyable affaire qui affecta, voire dévasta, le très regretté Dominique BAUDIS, victime de la bassesse humaine et de l’irresponsabilité de la presse, des médias, et des acteurs de seconde zone du monde judiciaire qui se sont plu à violer le secret d’une instruction balbutiante.

Ce n’est pas l’institution ou les textes qu’il faut changer mais bien les hommes…ce n’est pas pour demain hélas ; parvenir à les responsabiliser ne serait déjà pas si mal.